On dit chez nous qu’une maison en deuil ne s’ignore pas, à cause des pleurs et lamentations, de la musique religieuse qui est diffusée dans des haut-parleurs, et du grand nombre des gens qui vont et viennent. En effet, les voisins, les membres de la famille proche et éloignée, les membres de l’église et/ou des associations ethniques se relaient auprès de la famille éprouvée, pour qu’elle ne se sente pas seule.
Mais quand il y a des divisions dans la famille, à cause par exemple de l'opposition entre chrétiens et non-chrétiens, ce soutien moral et physique peut manquer et on peut se sentir seul même au milieu de la foule. C'est ce qui s'est passé quand nous avons perdu notre le maman le 11 avril 2017.
Pour expliquer le contexte, mes sœurs et moi venions d'emménager dans le quartier; les voisins nous connaissaient à peine et nous ne faisions partie d’aucun groupe, chorale, réunion de voisins ou association ethnique. Quant à l’installation électrique, elle était encore très instable et ne permettait pas d’utiliser les appareils. Ce qui fait que ce jour-là, nous ne pouvions pas compter sur la foule ni la musique pour atténuer ces moments difficiles.
Les membres de la famille proche vivaient dans différentes villes et ne pouvaient pas se déplacer aussitôt. Les seuls qui étaient là et qui allaient passer cette première nuit avec nous étaient trois tantes et oncle. Ils étaient arrivés le jour même ayant appris que la maman était dans le coma. Or ils étaient venus avec des plantes et autres produits pour des rituels. Leurs méthodes traditionnelles et nos programmes de prières se sont opposés, et nous nous sommes disputés au chevet de la malade inconsciente. Le Seigneur ayant finalement rappelé ma mère à Lui, nous l’avons mis à la morgue et nous sommes rentrés ensemble dans une humeur aussi lugubre que la maison plongée dans la pénombre et le silence. Malgré la soudaineté de la nouvelle, quelques voisins sont venus nous présenter leurs condoléances, puis sont retournés chez eux. Je les aurais presque suppliés de rester avec nous, tellement je redoutais cette nuit. Je redoutais les conversations pénibles, les reproches, les interrogations, et même le silence. Ce n'était peut-être pas si grave mais c'était plus que ce que je pouvais supporter ce jour-là.
Soudain, on frappa à la porte. C’était Bénédicte, une jeune amie, réfugiée Centrafricaine arrivée récemment dans notre église avec sa famille. Elle avait appris mon deuil et était venue me consoler. Mais le taxi qu’elle avait emprunté avait pris un chemin détourné, de telle sorte qu’elle était arrivée très tard. Elle ne pouvait que passer la nuit avec nous. J’étais si reconnaissante. La présence d’une personne étrangère à la famille empêchait toute forme de discussion gênante. En plus, cette chère sœur était si attentionnée qu’elle se leva la nuit pour lire la Bible avec moi, alors que je n’arrivais pas à dormir. Elle se désolait de n’avoir rien à me donner, mais je lui disais et je lui dis toujours, qu’elle a été l’envoyée spéciale de Dieu dans ma vie à un moment crucial ; la manifestation de sa houlette et son bâton dans la vallée de l’ombre de la mort.
La deuxième nuit qui s’annonçait difficile était la nuit de la grande veillée, au village. La levée de corps et le voyage s’étaient passés sans soucis majeurs. Mais arrivés au village, nous avons retrouvé les mêmes problèmes de dissensions familiales, conflits entre tradition et foi sur fond de vieilles rancunes. Comme conséquence de ce manque de solidarité, rien n'avait été préparé pour la veillée, aucun programme, aucune chorale, aucune exhortation. Sur le plan de la logistique encore, les fils électriques raccordés à la hâte avaient lâché, et nous nous sommes retrouvés à veiller dans l’obscurité et un silence tellement inhabituel pour un deuil chez nous. Pendant que les autres étaient assis dans la cour autour d'un feu vacillant, j’étais là, transie de froid, couchée à côté du cercueil éclairé par des bougies. J’avais si mal de voir ma mère passer sa dernière nuit avec nous dans de telles conditions. Pourquoi rien ne marchait ? Pourquoi tant de divisions ?
Tout à coup, j’entendis à l’extérieur une voix entonner un chœur, repris par deux ou trois autres voix.
« Ils vont probablement s’arrêter après quelques minutes, me dis-je. » Mais la voix entonna un deuxième, puis un troisième chant. Les chœurs résonnaient de plus en plus fort. Ce qui m'étonna davantage, c’est qu’à un moment, le meneur arrêta sa troupe pour harmoniser les voix et relancer à nouveau.
« Comme ils sont sérieux ! m’étonnai-je. Qui sont-ils ? Quelqu’un aurait-il invité une chorale à notre insu ? » Je me décidai à sortir. Quelques autres personnes s’étaient aussi levées comme moi, y compris ma grand-mère paternelle. Là, autour du feu de bois ravivé, une dizaine de jeunes chantaient des cantiques en tapant dans les mains. Qui étaient-ils ? Des camarades de classe de ma plus jeune sœur, venus de Foumban, une ville voisine, pour soutenir leur camarade endeuillée. Et ils le faisaient de la plus belle des manières. Ils ont chanté toute la nuit jusqu'à l'aube, dans différentes langues du pays. Ils ont même fait danser ma grand-mère, et ramené des sourires sur nos visages. Ces jeunes qui ne nous connaissaient même pas, ont changé le cours de la nuit, et nous ont aidé à retrouver le courage pour affronter la suite des évènements.
Ces deux interventions m'ont vraiment apporté la consolation, car je voyais la main de Dieu, et je savais qu'Il était à nos côtés dans l'épreuve.
Certes, nous aurons toujours à faire face à la mort physique tant que nous vivons sur cette terre. Mais en Jésus-Christ nous avons l'assurance du salut et de la vie éternelle, et l'assurance que nous reverrons ceux qui sont morts en Christ.
Si vous traversez la vallée de l'ombre de la mort en ce moment, je prie que le Seigneur vous aide à voir sa houlette et son bâton, afin que vous soyez fortifié et encouragé.
« Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi; ta houlette et ton bâton me rassurent (Psaumes 23:4) »
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